lundi 15 novembre 2010

Une sortie vers l'est du Népal

23 au 28 octobre 2010

Surkhe est un village bordant une rivière qui a creusé son lit très profondément au cœur des montagnes, à une altitude de 2 290 m. Les sentiers dans toutes les directions remontent très haut sur les versants boisés. Nous partons vers le sud en suivant le parcours sinueux de la piste qui se conforme aux drainages et aux renflements de la montagne. Après quelques heures, nous arrivons à un embranchement où un porteur nous suggère de prendre la voie la plus abrupte coupant dans la montagne pour rejoindre Pangum plutôt que le trajet la contournant. Il nous convient qu’il est de plus courte durée quoique plus difficile et que nous pourrons y trouver de quoi manger en moins d’une heure. Une fois rendus à la maison de thé, notre ventre gronde. Nous demandons quelque chose à se mettre sous la dent, mais on nous répond que ce n’est pas possible. Il nous faut se contenter d’un thé au lait et de biscuits à la noix de coco. Notre lunch est rapidement digéré durant la marche qui parait interminable. Après avoir traversé une végétation dense de forêt mixte laissant place à un décor de jungle, nous arrivons affamés et faibles à Pangum. PA commande le repas dès notre arrivée. Nous ne sommes malheureusement servis que 3 heures plus tard, car la cuisinière nous a oubliés. Nous brûlons tout ce temps en bavardant avec des Australiens qui ont comme objectif l’ascension de Mera Peak, une montagne de 6 476 m qui en dépit de sa hauteur ne demande aucune expérience d’alpinisme.

La noirceur tombée, PA ne manque pas l’occasion de rejoindre le cuisinier en chef de l’expédition de nos deux Austriens pour siroter un peu de Chhang (bière maison au riz). Il voudrait inviter Audrey, mais les femmes ne sont pas conviées à ce genre d’activité. Elle passe le reste de la soirée à rire en compagnie des Australiens pendant que PA partage des heures moroses avec un alcoolique mécontent de son emploi.

Le lendemain, nous surmontons le premier des trois petits cols qui coupent notre itinéraire jusqu’à Tumlingtar. Après chaque col nous devons franchir une vallée et remonter la pente du côté opposé. La descente d’aujourd’hui est particulièrement hallucinante. Les lacets du sentier sont si resserrés que nous avons l’impression de dévaler une piste de ski extrême dans un sous-bois. Cette étape de notre trek est aussi physique qu’entre Jiri et Lukla sinon plus, mais cette fois nous pouvons compter sur des jambes bien entraînées.
Nous parvenons à dépasser les porteurs et à garder une bonne avance sur eux. Pensant qu’il nous reste plusieurs heures de marche avant d’atteindre Nanjidingma, notre objectif de la journée, nous arrêtons dans une maison de thé pour engloutir un dal bhat qui prend un temps fou à cuisiner. Ces maisons sont rares sur le sentier et peu fréquentées. Nous sommes surpris, 45 minutes de marche plus tard, d’entrer dans le hameau de Nanjidingma. C’est bien moins de temps que l’annonçait notre guide «Lonely Planet ». Au cours des jours suivants, nous apprendrons à ne plus lui faire confiance. Les hôtels de Nanjidingma ne sont pas luxueux. Ils sont bâtis de vieilles planches de bois cloisonnées avec du bambou tressé. Les toits sont faits de pailles. Les planchers sont incomplets, inégaux et troués. Notre chambre est meublée par des paniers remplis de patates. Cela nous fait rire.
La fille de la propriétaire, Yangji, a beaucoup d’entregent et sait nous mettre à l’aise. Nous passons la soirée en sa compagnie autour du feu. Deux jeunes frères de Calgary sont avec nous. Les sujets de discussion sont variés. Ils ont suivi le même parcours que nous lors de leur trek. Nous aimerions poursuivre la route avec eux, mais un d’entre eux est très malade, ce qui les ralenti tandis que pour notre part nous avons un bon rythme.

Le jour suivant, nous traversons notre deuxième col de trois dans une forêt de feuillus biens droits. Le sentier redescend à travers les champs en terrasse jusqu’à Bung. Selon notre livre, Bung serait notre arrêt pour la nuit, mais il est encore trop tôt et la forme est bonne pour se rendre plus loin. Même si nous continuons, nous aurons tiré avantage de Bung là où est servi le meilleur dal bhat de la région.

Lorsqu’en 1951, Éric Shipton, le 1er étranger à randonner dans la région, a parcouru la distance entre Bung et Gudel, il n’a pas su résister à la tentation d’écrire des rimes cyniques sur la longue descente jusqu’à la rivière et la remontée jusqu’au village voisin. Pour notre part, nous ne trouvons pas si terrible cette épreuve. Le décor est majestueux et le sentier suivant un ruisseau est magnifique.

Un seul hôtel est ouvert à Gudel, le Namaste Lodge. Les autres ont dû fermer durant la rébellion des maoïstes. Nous sommes bien accueillis, mais pour les repas Audrey n’est pas très choyée. Tout contient du beurre. Elle se limite au riz blanc.

Le lendemain, une grosse journée de marche nous attend. Elle nous amène de Gudel à Phedi, ce qui correspond à une durée de 10 heures en passant par-dessus le dernier col de notre trek.
Nous disons nos adieux au pays Sherpa en prenant un thé tout près de Sanam chez une vieille dame qui nous invite à l’intérieur de sa maison traditionnelle. Elle nous offre un fruit que nous ne connaissons pas. L’idée de goûter une nouvelle saveur nous fait saliver. Désespoir! Ce fruit maudit goûte les patates, chose que nous connaissons un peu trop. En quittant Sanam, nous nous enfonçons dans une forêt enchantée. Les arbres sont couverts d’épais lichens et les rochers sont recouverts de mousse. Nous nettoyons l’un d’entre eux pour s’y asseoir et prendre notre lunch : un dal bhat précieusement conservé dans l’une de nos bouteilles nalgène. Et oui! Notre dal bhat contient des patates.
Dans la pente casse-cou avant d’arriver à Phedi, des jeunes descendent les roches humides et boueuses en courant pendant que nous nous efforçons à bien déposer nos pieds sur chacune de celles-ci.

Nous atteignons Phedi dans l’obscurité. À peine arrivée, nous délassons nos bottes et sautons dans le lit en moins de deux. Au chant du coq, nous mangeons des chapatis, relaçons nos bottes et partons en longeant la rivière à travers les rizières à perte de vue. Nous devons traverser le cours d’eau à quelques reprises dont une fois sur un pont de bambou suspendu.
La température est très chaude car nous nous trouvons à une altitude oscillant entre 300 et 400 m. L’envie de nous baigner dans la rivière est forte. Nous attendons d’être à Gothe Bazar pour profiter de cette opportunité de nous doucher dans un ruisseau. C’est la seule option possible pour se laver et nettoyer nos vêtements. Nous relaxons ensuite dans notre chambre bien ventilée tout en mangeant des oranges et en buvant une bière.

Au début de la journée d’ensuite, nous nous mettons en marche en pensant aux deux jours de trek qu’il nous reste. Nous cheminons sous un couvert forestier pendant quelques heures avant qu’il ne s’ouvre à nouveau sur des terrasses de rizière dont les canaux d’irrigation sont infestés de grenouilles.
Plusieurs regroupements de maisons ponctuent le paysage. Nous arrêtons à Bhata, un stop de porteurs. Cette fois, notre repas n’est pas du dal bhat, mais plutôt une soupe de ramens épicée. Nous descendons jusqu’au lit de la rivière aux abords duquel nous pouvons marcher sur le sable. Nous entrons plus tôt que prévu à Chwayambesi, qui a l’apparence d’un village de pêcheurs. On se croirait sur le bord de la mer, les vagues en moins. Il y règne une odeur d’algue séchant au soleil.

Lorsque nous apprenons qu’il est possible de marcher jusqu’à Tumlingtar en deux heures, nous décidons de ne pas passer la nuit à Chwayambesi. Nous suivons pour un temps une nouvelle route toujours en construction avant de redescendre sur les galets le long de la rivière.
Après une heure de marche, nous traversons un pont suspendu pour rejoindre une plaine où ont poussé quelques hôtels. Nous croyons que notre trek prend fin ici, car il correspond à ce que nous avons lu à propos de Tumlingtar. Pour écourter la recherche de l’hôtel Arun recommendé dans notre guide, nous demandons aux gens étant sur place où il se trouve. Personne ne semble le connaître. Un homme nous répond finalement que cet hôtel se trouve à Tumlingtar situé à une heure d’ici. Zut! Notre trek n’est pas terminé. Nous nous mettons quelques biscuits à la noix de coco sous la dent tandis que nous entourent des individus en état d’ébriété, déplaisants, envahissants et exigeant de nous des pilules énergétiques canadiennes. Nous ne savons pas de quoi ils parlent : nous déguerpissons. Pour rejoindre Tumlingtar, nous devons monter sur plateau. Étants en feu, nous concluons cette dernière épreuve en seulement 30 minutes. Un népalais sans sac à dos nous colle aux semelles en crachant ses poumons. Il sera le seul musicien de la fanfare pour célébrer notre arrivée sur la plaine poussiéreuse qu’est Tumlingtar.

Nous festoyons en soirée avec une petite bouteille de whisky qui s’avère bien suffisante pour nous achever. Audrey ne sent plus ses jambes après seulement deux gorgés. Nous dormons bien, mais peu longtemps. Nous avons un jeep à prendre très tôt en matinée pour nous mener à la rivière Sabha khola que l’on doit traverser à bord d’une énorme chaloupe de bois pouvant contenir 50 personnes. Deux passeurs la propulsent à l’aide de palanques. De l’autre côté, nous attrapons un autobus qui nous fait vivre des sensations fortes et nous donne la nausée sur les routes montagneuses jusqu’à Dharan Bazaar.
Nous voici de retour en ville après 31 jours de trek. Nous devons y penser à deux fois avant de traverser la rue qui nous semble dangereuse. Pendant nos 24 heures dans cette ville, nous nous gavons de sucreries, de pizza, de fruits frais, de samosas et de mets indiens qui nous manquaient. Parcourir le marché, voir la variété de produits dans les étalages et surtout les consommer nous rend heureux.

Le voyage de nuit pendant 15 heures pour retourner à Katmandou nous rend moins heureux. Une fois nos fessiers misent en compote et les bananes du toit livrées dans des entrepôts en bordure de la capitale, nous pouvons enfin nous réfugier dans un hôtel qui se trouve dans le décor touristique de Thamel. Nous passerons deux semaines entre ce quartier et l’orphelina-ashram de Sri Aurobindo.

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